Ne cédons pas au scénario de la provocation à la haine futile, rappelle l’écrivain, mais détricotons les basses coutures de ce drapeau imaginaire.
Abaya story. Et ça repart en France pour encore acculer le pays, le mettre à genoux, le déshabiller, le voiler et l’emmailloter dans le futile et la contrition, l’exagération et l’explication. Cet habit d’enfants scolarisés, qui désormais affronte la République à la manière d’un retranchement hors de la laïcité, interroge encore une fois. Il divise à nouveau le pays entre tailleurs sournois, oppositions forcées à la justification et gens scandalisés sans bonne foi. L’abaya est-elle un habit? Un uniforme ? Une tenue religieuse ? Un signe ostentatoire des racines ? Est-ce une futilité que s’invente la France ou une radicalité qu’elle sous-estime ?
L’abaya apparaît à la croisée du voile islamique, de l’instrument islamiste et de la vocation des hooligans de l’identité. Il ne faut pas se tromper : c’est un acte délibéré, volontaire, finement concocté pour entraîner les réactions qui vont de la contre charge médiatique à la contrition énergique, de l’autoflagellation des élites héritières de la culpabilité à la colère qui se réclame sainte. Ce qu’on veut, c’est entretenir la mise en scène d’une France islamophobe chaque fois que ce pays tente de se dégager du piège qui se referme sur lui. Travail d’usure, guerre continue, provocations étudiées, etc. Le scénario se consolide, mais il ne doit pas faire oublier l’évidence : au pays de la haute couture, l’abaya figure un voile et un voilement du voile, cousu avec art et intelligence.
Tenue non religieuse ? Qui en décidera ? La Grande Mosquée au petit pouvoir ? Tenue traditionnelle ? Pourquoi, alors, dans une école qui donne droit au futur, à l’avenir, à la modernité ? Droit au signe communautaire ? Pourquoi cette abaya ne constitue-t-elle pas la règle dans le pays d’origine, mais seulement un vague rappel des temps d’autrefois, des temps que l’on a fuis pour aller vivre et naître en France ? Un droit de porter librement l’abaya ? Pourquoi faire passer ce présumé droit sur le droit à l’école dont manquent tant d’enfants dans les pays quittés par les parents ? Pourquoi faire de ce prétendu vêtement un drapeau imaginaire ? Guerre de hautes et basses coutures. En France, l’engineering de propagande islamiste apparaît très en avance sur la République, ses gardiens ou ses défenseurs et ses outrés.
Depuis dix ans, le « courant profond » a compris quel bénéfice on peut tirer de la culpabilité coloniale d’une histoire peu assumée, des exclusions urbaines des banlieues, des intégrations faussées par les incompétences et les lâchetés et des contritions d’un pays affaibli par lui-même, par ses enfants gâtés ou exclus, par sa théorie de « droit à tous les droits possibles », par ses manifestations sans fin, ses élites en mal de stigmates et de crucifixions. Aujourd’hui, le mouvement invisible, le contre-État profond, est si fort qu’il décide de l’instrumentalisation, et de l’instrument comme de la partition. Et l’abaya que la France redécouvre est un instrument, un faux défilé de mode, car elle masque un défilé de troupes. Voilà la dure réalité, refusée, inquiétante, moqueuse et qui ne sert aucun enfant de la République, quelle que soit son origine fantasmée ou tangible.
Le piège demeure puissant : lutter contre un bout de tissu vous « futilise », l’accepter comme compromission vous défait. Que faire ? Oser. Inventer un uniforme scolaire peut-être, expliquer, interdire, mais surtout ne jamais céder. Défendre le droit à la différence, mais jamais celui à l’indifférence
Juin 2023