Avec Philippe Vrain démographe et socio-économiste, chargé de recherche au CNRS, retraité.
Le judaïsme, le christianisme et l’Islam partagent la croyance en un Dieu unique et éternel. Ce monothéisme est pourtant issu d’un processus historique qui s’est déroulé au sein du Proche-Orient polythéiste, durant le premier millénaire avant notre ère.
Après l’effondrement des civilisations de la Méditerranée orientale aux alentours de 1 200 av. JC. et les bouleversements consécutifs, un monde différent émerge au Proche-Orient, dominé au 1er millénaire avant notre ère par l’Empire assyrien (900-609 avant notre ère). Dans ce monde règne un polythéisme foisonnant au sein duquel les hiérarchies se transforment parallèlement aux hiérarchies politiques. Ainsi, alors qu’en Mésopotamie, le clergé babylonien du dieu Marduk avait imposé, dès le milieu du 2ème millénaire son patron comme souverain des dieux, au 10ème siècle avant notre ère, la puissance nationale assyrienne s’affiche, entre autres, en érigeant son dieu Assour comme chef suprême du panthéon religieux.
En Palestine, par contre, le monde religieux du premier millénaire évolue de façon singulière. Yahvé, un dieu sémitique, originaire de la péninsule du Sinaï, célébré par des groupes semi-nomades, est introduit comme divinité tutélaire d’une nouvelle fédération tribale revendiquant des ancêtres mythiques (Abraham, Isaac et Jacob). Ce royaume tribal sera à l’origine des deux royaumes d’Israël et Juda. Leur histoire est relatée par les rédacteurs bibliques de Juda dans une perspective bien éloignée de la réalité historique. La vénération de Yahvé qui leur est commune se traduit par des cultes différents.
Dans le royaume du nord (Israël), prédomine initialement un culte iconique, considéré comme idolâtrique par les rédacteurs judéens de la Bible. Yahvé a été vénéré sous la représentation anthropomorphique d’un dieu de l’orage, mais aussi d’un taureau à la manière de Baal en Phénicie. Il n’accède au statut de dieu suprême qu’à partir de la royauté de Jéhu (841-814).
Durant les 9ème et 8ème siècle avant notre ère, dans le royaume du sud (Juda), Yahvé devient le dieu national exclusif auquel sont dédiés de nombreux sanctuaires. Il absorbe les fonctions du dieu solaire, ainsi que celles de ses anciens rivaux, El et Baal, affirme sa suprématie sur le dieu des enfers. Le temple de Jérusalem accueille sa royauté.
Mais les deux royaumes israélites vont disparaître sous les coups des empires assyrien puis babylonien. Jérusalem est détruite en 587 avant notre ère. Son aristocratie, son clergé, et une partie de sa population qualifiée sont déportés à Babylone. Cet exil et la disparition de l’ensemble des institutions du royaume de Juda entraînent une crise idéologique profonde. Cette épreuve collective nourrit une réflexion nouvelle : Yahvé, divinité locale, se transfigure en Dieu unique, transcendant et universel.
Le Credo monothéiste deviendra, avec la naissance de la religion catholique, l’un des piliers de l’empire gréco-romain. L’unicité de Dieu constitue également le fondement de l’Islam.Salle Résistance
50 avenue de la Résistance
93100 MONTREUIL
Entrée Libre
Texte de la conférence ; 2023-04-13_Invention du dieu unique CCEFR
Bibliographie : 2023-04-13_Invention du Dieu unique bibliographie